Ce bilan est provisoire, il m'est en effet difficile d'analyser avec si peu de recul une aussi grosse expérience mais certains points factuels sont néanmoins définitifs.
Budget
Je suis partis avec 1000€ en cash de France et n'ai rien dépensé en CB sur place, j'en ai dépensé 700 sur place soit avec le billet d'avion un budget complet de 1100€ pour quatre semaines sur place. Le gros poste est dans les transports, à la fois vers le Kirghizstan et également les deux vols en hélico pour le fret puis pour le retour final.
C'est relativement peu pour quatre semaines de vacances à 5000km de nos frontières, c'est également relativement peu par rapport à d'autres destinations propices à l'alpinisme en haute altitude. Il s'agit par contre d'un prix quasiment "plancher" car nous avons tout organisé nous mêmes ou via ITMC, un opérateur local. Le passage par un opérateur français qui prend sa gratte, un aller en hélico au camp de base, des services sur ce camp de base grèveront d'autant le budget.
Il est notamment possible de se faire "porter" au camp 3, tente permanente et cantine au camp de base, tentes d'altitude pré-installées, ... mais ce n'était pas notre trip, et pas que pour des raisons financières.
Il est notamment possible de se faire "porter" au camp 3, tente permanente et cantine au camp de base, tentes d'altitude pré-installées, ... mais ce n'était pas notre trip, et pas que pour des raisons financières.
Le choix de l'objectif
Le choix de partir dans cette vallée est clairement mono-objectif. La topologie de la vallée est faite d'un immense glacier quasi-plat bordé par du très vertical. Le très vertical est de surcroît quasi-systématiquement exposé aux avalanches et chutes de pierres, lors de notre arrivée au camp de base cela tombait approximativement tous les quarts d'heure, d'un coté ou de l'autre. On ne peut donc entre autre pas envisager de véritable course d'acclimatation.
Deux sommets sont accessibles, le Pobeda et le Khan-Tengri et c'est a peu près tout sauf organisation particulière. Il faudrait en effet remonter plus haut sur l'Engilcheck ou remonter un des glaciers affluents en aval rive gauche du camp de base pour peut être trouver des voies praticables, ces zones étant totalement vierges la logistique devient une grosse difficulté qui ne se résoudra pas au pied levé en cas d'échec sur l'objectif principal.
Le Khan-Tengri est par ailleurs assez sensible coté météo, il est impossible de passer raisonnablement du temps aux camps 2 & 3 dans du gros temps et donc un créneau de 3/4 jours de beau temps est nécessaire à la réussite. Cela n'est vraisemblablement pas fréquent et les risques de but sont donc assez élevés sans course de consolation comme expliqué précédemment.
Dans notre cas la partie alpinisme à proprement parler se résume donc à quatre jours crampons aux pieds, deux de montée et deux de descente, pour 1500m de D+ et 1500m de D-.
La seconde spécificité est l'extrême austérité de la zone, cela peut paraître un détail mais au bout de vingt jours les paysages de glace et de rocher finissent par lasser, et on ne serait pas contre quelques brins d'herbe.
C'était pour moi une première expé mais de ce que j'ai pu discuter avec Max, le camp de base du Condoriri en Amérique du sud se présente par exemple comme l'exact opposé, un camp de base champêtre dans une prairie bordée d'une dizaine de sommets pourvus chacun de plusieurs voies dans toutes les difficultés.
La stratégie d'ascension
L'accès en trek me semble une bonne option. Il est par contre quasi indispensable de faire charrier du fret en hélico dans ce cas. Le trek se pratique la plupart du temps sur du terrain instable non balisé mais permet une acclimatation en douceur en montant de 2700 à 4100m sur quatre jours. Dans le cas d'une arrivée en hélico au camp de base il sera nécessaire de poireauter bien plus longtemps à ce camp pour s'acclimater.
Coté coût, le voyage en hélico coûte 200€ avec 30kg de bagages inclus, le transport de fret coûte 3€ le kilo soit 90€ pour trente kilos, la différence est donc de 110€ pour le bonhomme, pas vraiment énorme mais tout de même 8% de surcoût sur le total.
Dans notre cas nous étions au camp 3 six jours après notre arrivée au camp de base, et nous n'avons globalement pas souffert de l'altitude à l'exception de brefs passages surtout liés à la fatigue ou à la déshydratation je pense.
Une fois au camp de base il y a plusieurs écoles. La plupart des héliportés ferons plusieurs aller-retour sur les camps avant d'envisager le sommet. C'est assez brutal et surtout cela impose de s'engager de nombreuses fois sur la liaison camp 1 - camp 2 qui est clairement la plus exposée mais le seul moyen de prendre de l'altitude au dessus du camp de base.
Notre stratégie a donc consisté à passer pas mal de temps jusqu'au 4300m du camp 1, quatre jours de trek et six de bricolage autour du camp de base avant de partir pour le sommet. Je ne peux pas dire si nous aurions réussi le sommet avec une fenêtre météo correcte mais nous n'avons, comme précisé précédemment, pas souffert de l'altitude tout en ne s'exposant qu'une fois à la montée et à la descente et cette stratégie me semble à posteriori être correcte.
Bilan
Ce point est assez personnel et je n'inclus pas mes partenaires derrière cette analyse.
Pour une première la région est assez rude, car même si l'entente avec mes partenaires a toujours été parfaite, on passe vingt jours sur la lune dont de nombreux à contempler le plafond de la tente. Le coté mono-objectif en rajoute, car rentrer brecouille de quatre semaines d'effort et dix-huit mois de préparation c'est forcément frustrant.
Il y a néanmoins de nombreux points positifs, aucune blessure n'est à déplorer, l'entente à été parfaite et je suis monté à 5800m malgré mon unique expérience alpine et ce dans un décors totalement dément !
Alors c'est très probable, je repartirais, peut-être pas sur un objectif aussi aléatoire et exclusif et peut-être pas l'année prochaine car je comprend désormais pourquoi Henri me disait qu'une fois tout les deux ans c'est pas mal ! En effet, beaucoup d'organisation, beaucoup de temps passé loin (je crois que je suis un peu pantouflard !) et une bonne fatigue au retour, je me suis d'ailleurs déchiré un mollet au retour sur une escalade certes bien engagée mais loin de mon niveau max, il est temps de se reposer (je n'ai pas bien le choix du coup !) pour espérer regrimper avant la fin de la saison.
J'espère que ce récit aura intéressé les copains, alpinistes ou non, servira à d'éventuels candidats ou aura fait rigoler les vieux baroudeurs de la haute altitude mais de mon coté j'ai pris pas mal de plaisir à le rédiger.
Xavier